Une nécessité, pas un choix: acheter des services COVID-19 au secteur privé en Ouganda
Anooj Pattnaik, Tapley Jordanwood, Angellah Nakyanzi, Federica Margini, et Nirmala Ravishankar
Alors que les gouvernements des pays exécutent leurs réponses au COVID-19, l’Organisation Mondiale de la Santé ainsi que d’autres acteurs ont souligné l’importance d’engager le secteur privé. Une partie importante de cet engagement est l’achat de services de santé venant de fournisseurs privés, ce qui est souvent le cas dans les pays où les établissements privés comptent pour une part importante de la fourniture de soins de santé.
L’Ouganda est un bon exemple d’un tel pays. Selon une liste de 2018, quasiment 55% des établissements de santé en Ouganda sont privés (soit à but lucratif ou à but non lucratif). La distribution est particulièrement biaisée en faveur des milieux urbains. Dans la capitale Kampala, le secteur public représente uniquement 2% des établissements de santé, alors que les établissements privés à but lucratif en représentent 94%. Alors que le gouvernement ougandais a une longue histoire d’engagement avec les établissements confessionnels à but non lucratif, il a accès à un nombre limité de mécanismes pour utiliser des fonds publics pour acheter des services de santé aux établissements de santé à but lucratif.
L’absence de cette capacité à travailler avec les fournisseurs privés à but lucratif est – dans le meilleur des cas – un défi en région urbaine. Avec l’arrivée du COVID-19 en Ouganda, il devient d’autant plus impératif d’engager le secteur privé.
La réponse de l’Ouganda à la pandémie – jusqu’à présent
Le premier cas de COVID-19 en Ouganda a été identifié fin mars et a le potentiel pour rapidement surcharger les systèmes de santé urbain tels qu’ils sont actuellement constitués. Le gouvernement de l’Ouganda a réagi rapidement pour confiner le pays, (ré)allouer des fonds publics pour la réponse, et créer une approche coordonnée à travers de multiples secteurs. Le Groupe de Travail mis en place par le ministère de la santé pour coordonner la réponse inclut une représentation du secteur privé au travers de la Fédération des Soins de Santé de l’Ouganda (UHF), une association-cadre pour les fournisseurs privés. Le Groupe de Travail a émis plusieurs conseils aux fournisseurs publics et privés sur comment ils devraient gérer le COVID-19 et autres services essentiels, et UHF et Thinkwell ont utilisé ces conseils pour former des fournisseurs privés. Le gouvernement a également conduit une évaluation des capacités pour tous les fournisseurs confessionnels et a sélectionné quelques grands établissements de santé privés à but lucratif du fait de leur disponibilité pour gérer des cas.
Qu’est-ce que l’on peut faire?
L'Ouganda peut faire bien plus pour utiliser le secteur privé pour accroitre les tests, l’identification et l’isolation des cas, coordonner l’orientation des patients, et aider à maintenir ouvert et accessible les services de routine qui ne sont pas liés au COVID-19, surtout dans les milieux urbains qui ont des populations importantes et denses. Il y a des orientations internationales sur comment cela peut être réaliser – l’OMS a publié un plan d’action pour les ministères de la santé afin qu’ils engagent leurs secteurs privés dans la réponse au COVID-19. D’autres ont recommandé une approche par phase avec le secteur privé, en commençant par une phase intense dans les trois prochains mois, puis des phases sur le plus terme qui impliqueraient un soutien par des pairs et viseraient à améliorer la gouvernance du secteur privé.
Une piste prometteuse provient du fait que les autorités sanitaires en Ouganda sont en train de discuter l’adoption d’un modèle de « réseau en étoile » (hub and spoke). C’est un moyen d’organiser le système avec un centre principal (ex. hôpitaux de référence régionaux, larges hôpitaux du secteur privé) qui peut gérer des cas modérés et sévères de COVID-19. Ce centre est accompagné d’un ensemble de centres, d’établissements satellites comme des établissements de derniers tiers privés et publics, qui peuvent gérer les tests, le management de cas simples, et si nécessaire, référer au centre principal. Ces établissements de santé primaire peuvent également assurer un accès continu aux services de routine. Ce modèle peut être étendu et efficace, et a la capacité d’augmenter la qualité, la couverture et la constance du modèle opérationnel.
Afin de mettre en œuvre ce modèle dans les villes et municipalités Ougandaise, nous recommandons les étapes suivantes :
- Clarifier les capacités des établissements privés afin de décider s’ils peuvent s’intégrer dans ce modèle en étoile.
- Acheminer les fournitures essentielles, comme les équipements de protection personnelle et l’oxygène, afin d’équiper les fournisseurs, avec en plus une assistance technique en échange du fait qu’ils adhèrent et contribuent au système national d’information de santé.
- Communiquer à propos des kits de formation afin de clarifier les directives et les protocoles concernant les tests, le suivi et l’orientation des patients atteints du COVID-19.
- Fournir un soutien logistique et mécanique afin de supporter l’orientation des cas.
- Mettre en œuvre des arrangements contractuels avec les fournisseurs privés pour qu’ils reçoivent des paiements pour leurs activités liées au COVID-19.
Appel à agir
Comme nous l’avons vu autour du monde, la maladie peut se répandre rapidement et surcharger les systèmes de santé. Afin de se protéger contre ce risque, le gouvernement ougandais doit prendre les mesures nécessaires pour inclure le secteur privé dans les zones urbaines afin d’étendre leur capacité et augmenter leur réponse au COVID-19. Des mesures préliminaires ont été prises par le gouvernement et les discussions autour d’un modèle en étoile sont prometteuses, mais des mesures pratiques sont nécessaires afin de rendre ce modèle attractif et de le mettre en œuvre efficacement dans des endroits comme Kampala. La menace du COVID-19 se répandant dans ces zones urbaines très vulnérables représente une opportunité unique pour le gouvernement de mettre des mécanismes effectifs en place afin d’acheter des services au secteur privé, ce qui pourrait être utilisé pour atteindre la couverture de santé universelle dans le futur.
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