Exploiter les partenariats public-privé pour étendre le dépistage du COVID-19 aux Philippines

Eduardo Banzon 1, Christian Edward Nuevo 2, Jemar Anne Sigua 2, Maria Eufemia Yap 2, Pura Angela Co 2

1. Banque de développement asiatique

2. Achat stratégique pour les soins de santé primaire (SP4PHC), ThinkWell Philippines

 

Un départ lent pour les Philippines

La détection est une étape critique pour le management et le contrôle de la propagation des pandémies, car elle détermine les stratégies à mettre en place pour stopper la transmission de la maladie. Après avoir gérer les trois premiers cas confirmés fin janvier 2020, les Philippines ont été pris de court quand une transmission au niveau local a été confirmée en mars 2020. Le pays pensait avoir une capacité de détection suffisante avec son laboratoire de référence nationale, l’Institut de Recherche pour la Médecine Tropicale. Bien que 17 laboratoires sous-nationaux ont été mis à niveau et certifiés en trois mois, ce n’était clairement pas assez. L’augmentation continue de cas à travers l’archipel peut être en partie attribuée au fait que trop peu de cas ont été détectés, isolés, et évités.

L'expansion des capacités de détection pour le COVID-19 a commencé lentement, de manière désordonnée, et au final inadaptée. Les laboratoires certifiés ont été mal distribués – certaines régions avec une population importante n’avaient pas de laboratoires. Il n’y avait pas de visibilité sur les capacités et les ressources des laboratoires. A la fin, le nombre de test a à peine atteint une moyenne de 5000 par jour, loin de l’objectif de 8000 tests par jour pour la fin avril.

Historiquement, l’esprit entrepreneurial et la capacité d’innovation du secteur privé des Philippines ont été utiles dans la réponse du pays aux épidémies précédentes et dans la gestion des maladies communicantes. La récente loi sur la Couverture de Santé Universelle (CSU) inclut des provisions et mécanismes institutionnels pour permettre de contracter, payer, et lier le secteur privé aux établissements du gouvernement et aux réseaux de fournisseurs. Dans les premières semaines de l’épidémie de COVID-19, ces leçons ont été oubliées. Il n’y a pas eu d’effort concerté pour utiliser le secteur privé afin d’étendre les capacités de détection du COVID-19. Les laboratoires privés ont seulement commencé à être certifiés mi-avril, et le support fourni par le secteur privé – comme des donations et des innovations – n’a pas été stratégiquement organisé.

Joindre les forces du secteur privé et du secteur public

En mars 2020, la Banque de Développement Asiatique (ADB) a offert son aide au département de la santé (DOH) pour étendre ses capacités de détection. ADB a assisté l’Hôpital Jose B. Lingad Memorial, un hôpital public, à construire un dispositif permettant d’effectuer 3000 tests par jour. ADB a mobilisé les partenaires internationaux venant de la Chine afin de faire venir la technologie nécessaire et a utilisé une compagnie pharmaceutique privée locale, UNILAB, afin de soutenir la restructuration du dispositif. Simultanément, une quadruple approche a été développée par le DOH, avec le support technique de ThinkWell Philippines, afin d’étendre les capacités de dépistage : augmenter les capacités des laboratoires sous-nationaux, certifier plus de centres de tests, mettre en place de gros centres de tests et des laboratoires éphémères, et intégrer des approches novatrices du dépistage. De cette stratégie provient le besoin de travailler sur le rassemblement et l’organisation du soutient du secteur privé, menant au final à la formation du groupe de travail T3 (tester, tracer et traiter) le 24 avril.

Le groupe de travail T3 est composé d’un groupe varié d’individus et d’institutions – agences gouvernementales, organisations internationales, groupes d’experts, entreprises privées du secteur pharmaceutique et de la délivrance de services de santé. Le groupe central est convoqué et mené par le responsable adjoint pour la mise en œuvre de la réponse nationale au COVID-19, avec des sous-groupes menés par des assistants du DOH, afin de permettre une prise de décision et une mise en œuvre rapide.

Gains et résultats visibles

Cette collaboration multi-sectorielle a eu un effet catalytique. Le processus de certification a doublé en efficacité, résultant en 49 laboratoires opérationnels, y compris les dispositifs GeneXpert, avec une capacité excédent l’objectif de 30 000 tests par jour en mai 2020. A l’heure actuelle, la capacité de dépistage a passé la barre des 50 000, avec plus de 67 laboratoires opérationnels. La formation du groupe de travail T3 a directement contribué à ceci avec une mobilisation rapide des ressources et une diffusion des capacités, et indirectement au travers d’une coordination et organisation améliorées.

  • Les partenaires privés du groupe de travail T3 et leurs réseaux ont rapidement mobilisé les ressources nécessaires pour les centres de tests. Les donations d’infrastructures, d’équipements et de fournitures ont été coordonnées et orienter vers les laboratoires qui en avaient le plus besoin. Six plateformes automatiques de tests ont été données à quatre centres de tests, augmentant leurs capacités de dépistage par trois. Des expertises et des investissements ont également été fournis afin de construire 11 laboratoires éphémères.  
  • Des professionnels du secteur privé spécialisés dans les chaines d’approvisionnement, la logistique, et les technologies de l’information, ont également été utilisés afin d’améliorer les systèmes complémentaires au dépistage. Cette équipe d’expert a codéveloppé une plateforme électronique de management de l’inventaire avec le DOH afin de fournir une surveillance en temps réel des fournitures pour les centres de tests et de faciliter un achat rapide des consommables. Les gestionnaires de chaines d’approvisionnement et de stockage ont aider à améliorer la logistique et les mécanismes de distribution afin d’éviter la déplétion des ressources des centres de tests. Des tableaux de bords pour surveiller ces activités, y compris le volume et la performance, ont également été créés.
  • Des canaux de communication réguliers et formels ont fixé des stratégies et des objectifs communs pour les secteurs privé et public. Tous les membres du T3 se sont engagés à des réunions journalières. Ici, les partenaires privés ont pu dialoguer avec le bureau règlementaire pour les problèmes de certification. L’équipe opérationnelle du DOH a aussi pu souligner les besoins en ressources que le secteur privé pouvait aider à résoudre. Cela a permis de garder une trace des efforts, d’identifier les lacunes, et d’assurer la responsabilité de chacun. La coordination intergouvernementale avec des agences clés, tels que l’office de la défense civile et le département du budget et de la gestion, a également été plus efficace.

Un partenariat continu au-delà de la pandémie

La relation entre le secteur privé et le secteur public dans le pays a été historiquement imparfaite et au mieux transactionnel. Elle prend souvent la forme de dynamiques règlementaires avec des politiques gouvernementales fixant des standards, ou d’arrangements financiers avec la compagnie d’assurance santé des Philippines (PhilHealth) accréditant des établissements et achetant des services de santé. Des préconceptions sur les intérêts particuliers du secteur privé ont la vie dure, et les processus gouvernementaux bureaucratiques ne sont pas séduisant. Cela résulte en un manque de visibilité des capacités des uns et des autres et des potentielles collaborations.  

La nature même des secteurs public et privé permet une réponse plus synergique s’ils apportent leurs forces respectives et les adaptent aux défis et besoins du pays – comme la pandémie de COVID-19. Alors que le pays continue son chemin vers la CSU, des leçons du succès de ces partenariats public-privé pendant le COVID-19 doivent être conservées. Le potentiel complémentaire des deux secteurs doit être gardé à l’esprit et traduit en action dans toutes les reformes pour atteindre la CSU et construire un système de santé plus résilient pour tous les philippins.

 

Image 1. Groupe de travail T3 Groupe central et sous-groupes
Image 2. Capacité de dépistage des établissements certifiés.

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